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Harald Weinrich - Conférence - Fondation Charles Veillon

Conférence du lauréat

Prix Européen de l'Essai Charles Veillon 2013

Par Harald Weinrich
 

I. REMERCIEMENTS

Mesdames et Messieurs, je viens donc de recevoir le «Prix Européen de l'Essai» de la Fondation Charles Veillon. Ce prix, qui me remplit d'une triple joie, m'incite à un triple remerciement. Le premier remerciement, je l'adresse à l'illustre Fondation Charles Veillon, pour m'avoir assigné une place d'honneur dans la noble cohorte des 37 lauréats qui m'ont précédé dans cette distinction. Le deuxième remerciement se réfère à la dénomination européenne de ce prix. Je suis en effet rempli de gratitude à l'égard de notre beau continent qui m'a nourri et formé et qui m'a même conduit un jour de l'année historique 1989 à occuper la Chaire Européenne du Collège de France. Et mon troisième remerciement sera adressé au grand auteur Michel de Montaigne pour avoir inventé le très beau genre littéraire de l'essai qui ne cesse de m'inspirer la plus grande joie d'auteur.

Dans ma pensée de lauréat de cette année, le moment de la remise du prix va de pair avec un autre moment mémorable de l'automne dernier, où à Paris, à ma grande surprise, j'ai reçu sur mon téléphone mobile et par la voix de Monsieur Pascal Veillon la première annonce de ce prix. Je me trouvais à cet instant, en compagnie de ma femme ainsi que du professeur Feilchenfeldt et de son épouse, dans l'atelier d'art de leur fille. Très spontanément, j'ai décidé alors, dans mon for intérieur, que je demanderais justement à mon collègue Konrad Feilchenfeldt l'amical service d'être l'orateur de la laudatio lors de la remise du prix. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, vous êtes devenus témoins du portrait empathique qu'il a brossé de moi, tel que j'aimerais être. Merci, cher ami.

II. UNE HOSPITALITE POUR ULYSSE. LECTURE D'APRES HOMERE

Lorsque Ulysse, naufragé, échoue sur une ile inconnue de lui, il se préoccupe de savoir quel genre d'hommes peut bien habiter ces contrées étrangères. «Sont-ce des sauvages grossiers qui vivent sans lois, sont-ce des humains qui respectent l'hospitalité et les dieux?» Son inquiétude est sans fondement. Il a touché terre sur l'Île de Schéria, chez le peuple des Pheaciens qui assurent pacifiquement les trajets d'île en île et sont connus pour leur nature hospitalière. Et c'est d'eux qu'Ulysse reçoit aussitôt le plus bel exemple d'hospitalité qu'on puisse se représenter dans le monde grec.

Homère nous le raconte en détail sur plusieurs chants de son Odyssée. Nous y découvrons le cantique de l'hospitalité, et même, si l'on prend le texte comme un enseignement, un manuel de bonne conduite pour l'hôte et son invité. L'hôte est ici le roi des Pheaciens Alkinoos, l'invité est ce naufragé dont pour un temps seuls nous, les lecteurs, savons que c'est Ulysse. Pour le roi et son peuple, c'est un inconnu, puisque les règles de l'hospitalité laissent à l'invité le choix de révéler ou non son nom et son origine. Il suffit qu'il soit ho xenos, ce qui signifie en même temps l'étranger et l'invité. Zeus même est le garant de ce type d'hospitalité, lui qui en tant que Zeus xenios est aussi l'hôte suprême de tous les étrangers.

La félicité de cet accueil généreux est cependant limitée dans le temps. Au bout de trois jours, l'hospitalité connaît une échéance que doivent strictement observer tant l'hôte que son invité. Après ce temps à terme, l'exercice de l'hospitalité est écoulé, et le visiteur redevient l'étranger qui ne peut compter que sur lui-même.

C'est selon ces règles qu'Ulysse a reçu l'hospitalité des Phéaciens. Encore sur la plage où il a été jeté par les flots, il rencontre Nausikaa, la fille du roi avec sa suite, et elle propose à l'étranger l'hospitalité de son peuple selon les règles de vie qu'elle a apprises. Car elle sait que «c'est de Zeus que viennent tous les étrangers, même les mendiants». À leur arrivée dans la ville, Alkinoos confirme à cet inconnu son statut hospitalier et l'invite à s'asseoir à sa droite à la table royale. C'est la place d'honneur que doit lui céder le fils aîné. Les Phéaciens honorent donc un étranger inconnu comme s'il était de rang royal.

Il est vrai qu'on ne peut procéder ainsi pour n'importe quel étranger. Mais Ulysse se révèle un personnage hors du commun en remerciant ses hôtes pour les dons qu'on lui fait grâce à un contre-don, hautement apprécié dans l'usage antique de l'hospitalité. Car cet homme qui a voyagé au loin et a vu bien des contrées du monde est un merveilleux conteur. Il sait narrer des histoires sur un monde qui est resté inconnu de ses hôtes, pourtant eux-mêmes des voyageurs.

Dans l'épopée homérique, les quatre chants IX-XII sont entièrement consacrés au récit d'Ulysse. Pour le contenu, ils embrassent une période de plusieurs années, de la chute de Troie jusqu'au moment d'arrivée chez les Phéaciens. Au cours de cette longue histoire, les hôtes, auditeurs passionnés, non seulement apprennent ce qui se passe au loin dans le vaste monde, mais entendent même parler du monde des enfers où le narrateur est descendu dans son voyage aventureux. Ulysse n'est donc pas seulement l'homme de la gazette, il est le poète, comparable à Dante qui dans ses vers inspirés rendra justement compte de l'au-delà. Ces récits sont donc dans l'épopée homérique un contre-don culturel offert par Ulysse à ses hôtes en échange des dons d'adieu déjà préparés par eux pour le moment du départ.

III. LES TEMPS ET LES TERMES

Mesdames et Messieurs, la conférence-essai à laquelle je voudrais vous inviter maintenant sera aussi brève qu'un essai. Cette proposition est censée tenir compte du fait bien connu que le temps est précieux et qu'il a un prix. Car le temps, n'est-ce pas, c'est de l'argent - time is money -. Personne en fait n'ignore ce fameux adage de Benjamin Franklin inventé en 1748 pour orienter un jeune commerçant américain vers la bonne conduite économique.

Mais la comparaison entre le temps et l'argent (ou la monnaie, terme abstrait pour désigner le système monétaire) n'est pas née de la plume de Franklin. Comme tant d'autres idées fascinantes, elle provient de l'antiquité grecque. Il semble que Théophraste, disciple et successeur d'Aristote à la tête de l'école péripatéticienne, ait été le premier à comparer le temps de la vie, entendu comme valeur, avec la valeur intrinsèque de l'argent. Ce philosophe ne se lassait pas en effet d'enseigner à ses disciples que «le temps est une dépense très précieuse». Pour Théophraste, cette valeur singulière résulte du fait que pour chaque être humain, le temps-argent est acquis au moment de la naissance dans son ensemble et d'ampleur inconnue. À partir de là, tout l'écoulement temporel de la vie sera une diminution, jamais une augmentation. Selon la même logique, une économie du temps fondée sur l'analogie avec l'économie monétaire est nécessairement une économie négative.

À Rome, par la suite, Sénèque le philosophe reprend de son précurseur grec, dans son traité sur la brièveté de la vie humaine (De brevitate vitae), l'idée métaphorique du temps-argent pour en déduire que le temps est «la chose la plus précieuse au monde» (res omnium pretiosissima). Il en résulte, pour lui aussi, la conception d'une économie négative. De celle-ci, cependant, il ne cesse de dégager à l'adresse de ses lecteurs le conseil doublement négatif, donc logiquement affirmatif, de «ne pas dépenser», «ne pas perdre», «ne pas gaspiller» dans des occupations futiles ce grand bien singulier qu'est le temps de la vie.

Si donc vraiment le temps est une bonne métaphore de l'argent et vice versa, que faudrait-il alors déduire de cette image pour le comportement pratique de tous les jours? Dans l'esprit de Benjamin Franklin, la règle de conduite prioritaire sera de ne jamais gager le temps au prix de se mettre dans les dettes. «Misérable Carême pour qui l'échéance d'une dette tombe à Pâques», voilà pour lui une maxime de conduite à inscrire dans tous les almanachs. Or, si aujourd'hui toutes les personnes qui voudraient construire une maison ou mettre sur pied une entreprise start-up se conformaient à cette exhortation, ce serait le collapsus du système économique de l'Occident. Il faudrait au contraire avoir le courage et parfois même la témérité de s'embarquer dans les dettes - bien contrôlées de préférence - pour réussir à la longue dans le monde de l'entreprise. Aussi n'existe-t-il pas d'équation métaphorique viable entre le temps et l'argent ni entre l'argent et le temps. La valeur de l'argent et celle du temps sont deux variables, établies et réglées l'une et l'autre par le marché sous forme de prix.

Par conséquent, le mode d'emploi ne saurait être identique pour les deux valeurs en question. Alors que le temps de la vie s'écoule forcément dans une seule direction, à savoir vers l'aval, l'économie monétaire peut être agitée dans les deux sens, en aval par les dépenses régulières ou irrégulières, et en amont par les recettes et profits ordinaires ou extraordinaires. Pour coordonner un tant soit peu ces deux mouvements, une stratégie est de mise dans les deux directions, l'une moyennant le travail pour mettre le temps au service de la subsistance et l'autre, par le biais de la santé, pour mettre l'argent au service de la longévité. Dans tous les cas, parler sérieusement d'argent implique une comptabilité du temps - et parler du temps serait angélique sans prise en compte de l'argent à gagner ou à perdre.

Il semble donc que le fil du temps de la vie, après être sorti de la quenouille de la parque Klotho et avant d'être coupé par la parque Atropos, puisse facilement s'enchevêtrer, voire s'embrouiller en cours de route avec toutes sortes d'argent entre les mains diligentes de la parque Lachésis. Cela peut même conduire à un beau «conte de parques», complété, au niveau divin, par une illustre triade temporelle de la mythologie gréco-latine. Celle-ci se compose d'abord du vénérable vieillard Chronos, père de Zeus, connu pour avoir le premier et le dernier mot à dire dans les affaires temporelles des mortels. On trouve même aujourd'hui les traces de son action sur nos chronographes, nos chronomètres, voire dans nos douleurs chroniques. À côté de lui, mais moins puissant que lui, on rencontre le dieu plus jeune et plus avenant Kairos. Il est le maître suprême des bons moments de la vie que l'on peut s'approprier à condition de saisir à l'instant juste telle ou telle «bonne occasion» représentée par une mèche de cheveux sur la tête autrement nue de ce dieu fugace.

Ceci dit, le moment me semble venu pour parler avec le même respect d'une troisième déité du temps, le dieu romain Terminus. C'est lui qui veille avec une attention particulière sur les limites à observer par les êtres humains dans l'usage qu'ils font des dimensions du temps et de l'espace. Son domaine réservé et qui nous intéresse le plus ici, c'est le «temps à terme».

Qu'est-ce au juste qu'un temps à terme? C'est une catégorie temporelle indiquant une période de temps, courte ou longue, qui s'étend entre deux moments, un moment initial et un moment terminal. Entre ces deux pôles, le temps «court» ou «coule» à une vitesse égale d'après ce que disent les physiciens et inégale d'après ce que pensent les psychologues. Selon les observations plus attentives de ces derniers, le temps passe habituellement avec une certaine lenteur au début et beaucoup plus vite à la fin de ce parcours temporel. Car c'est à juste titre que le terme attire au maximum l'attention des partenaires embarqués dans un temps à terme. Le terme, élément postérieur, est prioritaire dans le temps à terme, du moins dans la perspective de celui qui reçoit le don du temps.

Comme premier exemple, permettez-moi de vous rappeler, sans m'y attarder, la leçon contenue dans le texte que je vous ai lu d'après Homère. L'hospitalité généreuse, mais limitée à trois jours au maximum, est en effet un exemple frappant d'un temps à terme inscrit profondément dans les mœurs d'une grande civilisation européenne. Je reviendrai à cet exemple à la fin de ma conférence.

Le deuxième exemple par lequel je voudrais illustrer la catégorie du temps à terme nous ramènera ouvertement à l'argent. On sait que dans les conditions complexes de notre société moderne, un temps à terme particulièrement apprécié s'établit souvent sous forme d'un crédit demandé à quelque personne ou institution. Il s'agit par exemple de réaliser certains investissements trop coûteux pour être disponibles par la seule épargne. Pour avoir ce crédit, un emprunteur réalise alors une convention temporelle avec un prêteur à qui il entend restituer, au moment précis de l'échéance, le montant d'argent emprunté, augmenté des intérêts à payer en bloc ou à tempérament.

La convention économique du temps à terme produit ici trois unités temporelles : c'est d'abord le moment initial d'un gage solide, matériel ou immatériel, à offrir au prêteur, puis la période de temps valorisée par la mise à disposition du crédit, et finalement l'échéance de celui-ci, autrement dit le moment terminal où se joue toute l'interaction sociale vue dans une optique juridique et morale. Du moins pour l'emprunteur, le terme est toujours le maître fatal du temps mobilisé. Il s'avère alors, souvent à la dernière minute, si Terminus a bien gratifié ou non sa famille humaine de toute la fiabilité et probité moralement indispensables dans ce genre d'interaction.

Permettez-moi de m'arrêter ici quelques instants pour évaluer l'impact exercé de cette catégorie temporelle sur la vie de tous les jours dans les conditions sociales d'une société moderne. Savoir se servir d'un temps à terme, avec ou sans l'argent associé à ce pacte, est sans aucun doute un grand bien pour l'humanité. Cet art peut rendre un grand service à la mission de discipliner le comportement économique des hommes et de rendre ainsi possible leur coexistence avec un minimum de frictions sociales.

Vu cependant d'un autre angle social, la masse des temps à terme qui traversent aujourd'hui en tous sens le tissu social peut constituer un immense fardeau de devoirs pour toutes les personnes dont l'existence dépend du bon fonctionnement de cette catégorie temporelle. Leur temps de vie est alors largement réglementé par le devoir de respecter sans trêve l'écoulement du temps et l'approche inexorable de telle ou telle échéance - à moins qu'il n'y ait quelque répit bienveillant accordé au partenaire retardataire. La dégradation du bon vieux calendrier en agenda (littéralement : «ce qui doit être fait» - en allemand «Termînkalender» ) est un indice fiable de l'énorme rigueur qui peut se déployer dans cette emprise des termes sur les temps.

Dans ces conditions, quelle journée libératrice que celle du maire de Bordeaux, Michel de Montaigne, lorsqu'il peut valider un jour sa lettre de démission et passer le reste de ses jours à lire et à écrire dans sa tour. Écrire quoi? Les Essais. Il est évident que ce grand don n'a pu être fait au genre humain que par un homme passé à la retraite, c'est-à-dire libéré du joug des temps à terme qui ne cessent sans doute de peser sans répit sur l'esprit du maire d'une grande ville. Il faut donc voir que justement le genre littéraire de l'essai (bref, simple, ouvert, relâché, compréhensible et visant plutôt une petite vice-vérité que la grande vérité absolue) est devenu un antidote éprouvé contre la tentation répandue d'immoler à la rigueur des termes les meilleurs temps de la vie.

Comme troisième et dernier exemple pour illustrer une interaction catégoriale entre les temps et les termes, j'aimerais mettre en relief, par quelques remarques seulement, le très grand rôle joué par le temps, et en particulier par le temps à terme, dans la vie politique, à condition que celle-ci soit soumise aux règles du jeu d'un gouvernement démocratique. Or, on sait que dans les démocraties tout bouge avec lenteur. Trop de personnes par trop différentes par leurs habitudes ainsi que par leurs convictions politiques sont souvent appelées à diriger les citoyens et citoyennes de leurs communautés dans un sens raisonnable et bénéfique. Or, il est évident que pour ce faire au mieux, il faut du temps, beaucoup de temps, bien plus que ce n'est le cas dans les états autoritaires ou dictatoriaux. Et une grande partie de ces constructions temporelles incombe forcément à la catégorie des temps à terme. Il suffit d'évoquer seulement le fait trivial que dans les démocraties, et en particulier dans les démocraties directes, l'unité fondamentale du temps politique est sans doute la période électorale. C'est d'elle aussi que découlent les budgets dont à leur tour dépendent les périodes d'activité de nombreux députés et d'autres représentants élus ou nommés pour un temps à terme. Terminus, paraît-il, est aussi un dieu politique qui aime la démocratie.

Mais là encore, il convient de regarder soigneusement le revers de la médaille. Sur l'agenda des hommes politiques tout occupés à satisfaire le temps compté d'innombrables temps à terme, on ne trouve pourtant pas que des problèmes de court terme. Comment faire donc pour travailler également et avec priorité sur ces problèmes beaucoup plus graves dont la solution exige impérieusement la longue durée, si les instruments disponibles à cette fin ne sont adaptés qu'aux petits formats et à la courte durée?

Je me borne à mentionner ici un seul problème politique que, par analogie avec la «transition d'énergie», j'appellerai «transition d'hospitalité». Il s'agit du gros problème issu de la répartition fatalement inégale des richesses sur cette planète, en rapport paradoxal avec la mobilité facilitée des personnes dans un monde globalisé. Il va de soi que je ne me sens nullement qualifié pour offrir à ce problème une solution politique qui vaille. Je me demande seulement si le principe d'hospitalité homérique ne pourrait pas servir comme modèle de transition capable de remplacer à la longue le principe d'asile peu performant. Le nouveau principe d'hospitalité serait alors composé, comme chez Homère, des trois éléments pragmatiques d'un accueil xénophile, d'une limitation temporelle et, pour terminer le cycle, d'un échange généreux de dons culturels entre les partenaires de cette hospitalité. Au cas où une telle transition d'hospitalité serait viable dans la réalité, elle ne déplairait sans doute pas à Zeus en tant que patron et protecteur des étrangers et des mendiants.

Pour terminer ce discours à mon tour, Mesdames et Messieurs, laissez-moi invoquer une dernière fois les divinités du temps, pour avoir à l'avenir leur support bénévole. Voici d'abord les dieux déjà nommés, à savoir:

CHRONOS pour le don d'une vie aussi sereine que possible,
KAIROS pour la faveur d'une vie aussi réussie que possible,
TERMINUS pour la gratification d'une vie aussi fiable que possible - ou encore, comme possible alter-native à ce dernier :
ZEUS XENIOS, fils de Chronos, pour la perspective d'une transition vers une vie aussi xénophile et conviviale que possible.

Harald Weinrich, avril 2014

Publié par la Fondation Veillon le 01 mai 2014